A cheval, une thérapie pas comme les autres

Publié le 26/09/2024 Mis à jour le 06/11/2024
Publié par Le Réseau SAM
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Depuis plusieurs années, l’équithérapie est devenue une activité à la fois ludique et thérapeutique pour bon nombre de personnes fragilisées par des troubles de la santé mentale. Rencontre avec Géraldine Evrard, psychologue à l’UZ Brussel et équithérapeute.

Pouvez-vous brièvement vous présenter et nous expliquer ce que vous faites aujourd’hui ?

Moi, c’est Géraldine Evrard, je suis psychologue clinicienne et je travaille à l’UZ Brussel à Jette en tant que psychologue pour les adolescents et dans le cadre de mes suivis là-bas, j’ai obtenu quelques heures pour mettre en place de l’équithérapie 🐴 (ndlr : l’équithérapie concerne le travail psychique avec le cheval comme médiateur parallèlement à l’hippothérapie qui définit plutôt une réadaptation motrice via le cheval).

Aujourd’hui, je suis ici avec un groupe d’ados hospitalisés en psychiatrie avec lesquels on fait de l’équithérapie toutes les deux semaines ; j’ai aussi d’autres groupes : un groupe d’enfants entre 6 et 12 ans et pour les enfants en pédiatrie, je fais aussi des séances individuelles.

Comment cela s’est-il mis en place ? Dans quel contexte avez-vous été amenée à vous tourner vers l’équithérapie ?

Je suis passionnée par les chevaux 🐴 depuis que je suis toute petite et vers mes 16 ans, j’ai commencé à m’intéresser à la souffrance humaine en m’interrogeant sur des questions du style : « pourquoi est-ce qu’on est malheureux ? » mais surtout « comment fait-on pour s’en sortir ? ».

Et j’ai commencé mes études de psychologie avec toujours dans un coin de ma tête de faire de l’équithérapie. D’ailleurs durant mes stages lors de ma formation, j’ai fait un stage en hippothérapie et l’autre en psychiatrie.

Mon stage en hippothérapie s’adressait exclusivement à un public en situation de handicap mental ou polyhandicapé mais moi ce qui me passionnait vraiment c’était la psychiatrie et c’est pourquoi je ne me suis pas tournée vers l’hippothérapie à ce moment-là car ça ne correspondait pas à mon souhait d’aider les personnes en détresse psychologique.

J’ai donc travaillé durant une dizaine d’années en psychiatrie adulte et puis j’ai travaillé dans un service de santé mentale mais quand je suis arrivée à l’UZ qui est à seulement quelques kilomètres d’ici ; je suis allée voir mes chevaux (ndlr : Géraldine organise les séances d’équithérapie dans l’écurie où se trouvent ses propres chevaux), je me suis dit que c’était peut-être l’occasion de développer cette idée avec les enfants que j’accompagne à l’UZ.

J’ai donc proposé ce projet à mon chef qui a été tout de suite très enthousiaste car il est très ouvert aux thérapies alternatives et cela s’est mis en place d’abord avec un groupe « test » et maintenant nous avons développé cela pour plusieurs groupes et en séance individuelle.

Quel(s) type(s) de pathologie(s) accompagnez-vous dans le cadre de l’équithérapie ?

Je suis différentes sortes de pathologies, la plupart des enfants que je vois souffrent de troubles psychologiques comme la dépression ou de l’anxiété ; au niveau des ados, les pathologies sont plus sévères comme l’automutilation, les troubles du comportement alimentaire, des idées suicidaires et donc ils sont totalement en décrochage scolaire et social.

Qu’est-ce que le contact avec l’animal apporte aux patients ?

Je pense que l’équithérapie amène plusieurs axes positifs. Premièrement, le lien avec le cheval 🐴 ; ça reste un animal et souvent les enfants sont attirés par l’animal en lien et l’attachement.

Deuxièmement, cela permet de travailler sur ses peurs et son anxiété car monter à cheval pousse à dépasser ses peurs et l’avantage de l’équitation, c’est qu’en quelques séances on peut déjà faire l’approche du cheval, faire face à ses propres angoisses et ses propres émotions. Il y a donc un grand intérêt dans la gestion émotionnelle. Par exemple, les enfants que j’accompagne qui ont entre 6 et 12 ans, ont souvent des problèmes de comportement ; ils ont l’habitude de crier voire de frapper quand ils ont peur alors qu’à cheval on ne peut pas crier, on ne pas du tout taper, etc. on est obligé d’apprendre à affronter ses émotions.

La plupart des ados se retrouvent dans une forme d’isolement car ils ne veulent pas souffrir ou avoir ou ressentir une émotion et on se retrouve dans des situations de replis social et scolaire car on est confronté à nos propres échecs.

Et en fait, le cheval, remet le patient dans des situations plus expérientielles où parfois on a peur mais même quand on a peur, il faut continuer, on reste à cheval et on gère le stress. L’enfant apprend alors que oui il a eu peur mais non il ne s’est pas réfugié dans les bras de son parent, il n’a pas fui, il est parvenu à rester en selle et à gérer la situation ce qui les place dans une bulle de compétence émotionnelle. Souvent je leur dis : « tu réalises comment tu as pu gérer malgré ta peur ?! Bravo, tu y es arrivé ! ».

Monter à cheval 🐴 leur permet aussi de travailler sur leur leadership car pour faire de l’équitation, il faut regarder devant soi et pas rester fixé sur ce dont on a peur ou encore d’être dans l’expression de ses propres besoins car si on ne demande pas aux chevaux correctement ce qu’on veut obtenir, ils ne le feront pas.

Ça souligne l’importance d’avoir des buts et des valeurs : qu’est-ce qui est important pour moi ? Où est-ce que j’ai envie d’aller ?

L’équitation demande aussi d’être parfois un peu plus strict ou assertif pour que le cheval écoute d’emblée que de laisser faire et donc risquer que la situation ne s’envenime voire de tomber.

Enfin, le dernier objectif est de leur apporter des choses positives car l’équitation permet en peu de séances d’apprendre des choses et donc parvenir simplement à diriger le cheval ou à trotter par exemple rend souvent les patients fiers d’eux.

Cette fierté et cette expérience leur permet de revenir dans un lien plus positif vis-à-vis d’eux même mais aussi dans leur famille et encourager le lien familial car ils auront envie de partager ça avec leurs proches et donc sortir de ce repli sur soi.

Les parents peuvent alors également s’impliquer et les valoriser et cela encourage les enfants à faire des pas vers l’autre un peu plus à chaque séance.

Comment se déroule une séance « type » ? Est-ce que cela s’adapte à chaque patient ?

Le cheval 🐴 est central donc ça c’est quelque chose d’important dans l’équithérapie ; très souvent les enfants qui ne vont pas bien sont « égocentriques », ce n’est pas péjoratif, c’est pour exprimer le fait qu’ils n’ont pas forcément l’énergie pour s’occuper d’un autre alors qu’en équithérapie, il y a un autre ! Ils ne sont plus tout seul dans la relation, il y a aussi le cheval et les besoins du cheval prime sur ceux de mon patient, dans la mesure du raisonnable évidemment.

On va d’abord s’occuper du cheval et terminer la séance en expliquant à l’enfant que ce n’est pas parce qu’il ne va pas bien qu’on doit « abandonner » le cheval-là et ne pas s’en préoccuper.

Il y a toujours le même triptyque quoi qu’on fasse : il y a toujours une première partie où le patient entre en contact avec le cheval pour en prendre soin (le brosser, le câliner…), la deuxième partie c’est de faire une activité avec le cheval (monter, partir se promener, faire du travail à pied, faire de la voltige…) et en fin de séance, on remercie le cheval de nous avoir porté ou d’avoir été chouette durant la séance car c’est important pour le lien avec l’autre.

On termine toujours l’après-midi par un temps d’échanges autour d’un goûter pour mettre des mots sur ce qu’ils viennent de vivre et ce qu’ils ont aimé ou moins apprécié.

Quelle est la différence entre les groupes et les séances individuelles ?

Les groupes sont à la fois plus chouette et plus compliqué. C’est plus agréable car il y a de l’entraide qui se développe et un partage d’expériences se créer au sein du groupe et chaque individu évolue et se voit évoluer : au début, il est débutant et puis il progresse et partage son expérience avec les nouveaux participants.

Par exemple aujourd’hui, comme je suis occupée avec toi, cela a permis une initiative : Arthur est allé aider Annabelle qui a sellé seule pour la première fois et elle en est très fière.

Mais c’est plus difficile que dans les séances individuelles en termes d’apprentissage au sens strict car les niveaux de compétence sont parfois assez différents et comme les séances n’ont lieu que tous les quinze jours, les enfants les plus angoissés et anxieux n’ont pas toujours le temps de faire de réels progrès en équitation.

Pour pallier cela justement, durant les grandes vacances, on organise une semaine complète de stage où les patients viennent tous les jours et une autre synergie se créée sur du court terme. Ils ont donc l’occasion d’asseoir leurs acquis et bien souvent à la fin de la semaine, ils osent tous monter à cheval alors qu’en cours d’année j’en ai peut-être seulement 5 ou 6 sur le groupe complet qui montent, les autres ont encore trop peur.

En résumé, l’équithérapie permet au patient atteint de troubles psychiques d’entrer en relation avec le cheval pour retrouver le plaisir de se tourner vers autrui. Retrouvez des hippothérapeutes 🐴 ou des équithérapeutes sur notre annuaire médico-social.

A cheval, une thérapie pas comme les autres

Résumé de l'article

🐴 Le cheval suscite souvent l'intérêt des enfants, cet animal puissant peut pourtant se montrer d'un soutien infaillible pour les personnes fragilisées par un trouble d'ordre mental. L'équithérapie dispose de nombreux bienfaits comme : 💥 La gestion émotionnelle 🤝 La capacité à tisser du lien et à se tourner vers les autres 🎯 L'envie de se dépasser et d'atteindre de nouveaux objectifs

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